Les Wiwas, peuple vivant de la Cité Perdue

Nous avons rejoint le nord de la Colombie, en bordure de la mer Caraïbe, pour notamment y faire le trek de la Cité Perdue dans la Sierra Nevada de Santa Marta.

Nous l’avons ressenti comme une aventure spirituelle.

Bien sur il y a la marche pour rejoindre la Cité Perdue, trois jours pleins, ido y vuelta, à un rythme soutenu. Lever à 5h du matin, etc… Jungle, passages à gué, chaleur, humidité, transpiration à tremper les vêtements, moustiques invisibles mais terriblement voraces… ça se mérite, nous étions prévenus, nous sommes entraînés, pas de problème.

La baignade dans les piscines naturelles qui jalonnent le parcours sont un vrai bonheur.

L’organisation du trek est d’ailleurs remarquable: hébergements, ravitaillements, services, si l’on accepte une certaine promiscuité et l’hygiène minimaliste.

Nous faisons partie d’un groupe de 11 randonneurs, à forte majorité française, parmi d’autres groupes. Entre 100 et 200 marcheurs s’élancent chaque jour vers la cité perdue, européens, américains, c’est très joyeux. La plupart vivent le trek façon Indiana Jones et se testent. Nous mis à part, il n’y a que des moins de trente ans, qui se selfient à tous les arrêts, cherchez l’erreur. On est un peu plus diesel, âge et expérience de la randonnée, mais nous ne serons pas recalés à l’examen, merci au jury.

Sur le chemin nous croisons des enfants Wiwas. Ils seraient comme tous les enfants du monde, joueurs, tantôt rieurs, tantôt surpris, s’ils n’étaient tous vêtus d’un même morceau de toile écrue, tachée, hors d’âge. Comme leurs parents … Comment leur dire bonjour? Notre guide, Gabo, un Wiwa nous donne la clef, « Djoui mine touna », et s’ils sont plusieurs « Djoui mène touna », une langue très sophistiquée qui accorde le bonjour. Premiers indices.

Devant le pueblito Wiwa que nous longeons, Gabo nous fait une présentation de la vie, plus exactement des principes de vie Wiwas. C’est assez difficile à suivre, car sa présentation est plus inspirée qu’organisée, quelque peu circulaire aussi, mais il en ressort que la culture Wiwa est à la fois extraordinairement riche, extraordinairement ancienne et, en même temps, plus moderne que jamais. Elle relève d’une mystique de la nature, dont tous les éléments sont compris comme vivants et reliés par de subtils rapports d’équilibre. Si les Wiwas cultivent pour leurs besoins, c’est toujours avec un soin extrême de ne pas déranger la nature, et surtout de ne rompre aucun équilibre.

L’énergie et la conscience sont les piliers sur lesquels  ils fondent leur humanité. Ils s’attachent à les développer dès l’enfance, ils les stimulent aussi en mâchant des feuilles de coca à peine séchées, comme nous utilisons le café, loin de toute idée de drogue. Pour eux tout rapport de domination est proscrit, les décisions se prennent en commun, au terme de débats très approfondis.
Les Wiwas pensent que leur territoire, la Sierra Nevada, splendide massif qui culmine à 5700 mètres en bordure de la mer Caraïbe, est l’origine et le cœur du monde. Il leur appartient de le protéger à jamais, parce que s’il était abimé ou détruit, alors la Terre toute entière serait détruite. Ils sont des frères majeurs, pleinement conscients, quand les autres sont des frères mineurs, qui ne réalisent pas les conséquences de leurs actes.
Sans écriture, seul l’oral assure depuis toujours la transmission de leur savoir, un énorme stock de connaissances. Dix-huit années d’une vie recluse sont nécessaires pour la formation des Mamos, détenteurs de la connaissance et de la sagesse. Etc.
Aujourd’hui 15000 Wiwas vivent dans cette culture, résistant depuis 500 ans à l’énorme pression et à la violence de la civilisation occidentale pourtant à leur porte! Stupéfiant, une leçon.
Alors, quand, au troisième jour de trek nous attaquons the stairway to heaven, l’escalier très raide de 1200 marches qui monte à Teyuna, la Cité perdue, nous savons que nous montons vers un lieu sacré entre tous. Nous y entrons enfin aprés un rite de purification destiné à nous débarrasser de toute pensée négative.

Là, les ancêtres des Wiwas, les Tayronas, étaient établis des siècles avant les Incas, là, ils bâtirent une ville de la taille du Machu Pichu, et de là, leur culture s’étendait sur toute la région, peuplée de centaines de milliers de Tayronas, l’ethnie dont les Wiwas sont aujourd’hui les descendants, comme trois autres tribus, les Arhuacos, les Kogis et les Kankuamos.
Une merveille. Une quantité de terrasses circulaires sur lesquelles étaient bâties leurs maisons, toutes reliées par des allées de pierre, des escaliers de pierre.

Une harmonie parfaite dans les formes, l’étagement des terrasses dans les pentes, dans un extraordinaire état de conservation. Tout ce qu’on désigne aujourd’hui par urbanisme est présent.


Les Tayronas l’auraient abandonnée au début du XVIeme siècle quand les Mamos, par divination, anticipèrent l’arrivée des frères mineurs, une menace grave. Les habitants de Teyuna se dispersèrent alors dans la Sierra Nevada.

Lorsque dans les années 1970 Teyuna fut repérée par des pilleurs de tombes, puis identifiée par les autorités, on prétendit à une découverte. On voulut ignorer que les Wiwas la connaissaient parfaitement et s’y rendaient depuis toujours pour vénérer leurs ancêtres… Ainsi naquit l’appellation biaisé de Ciudad Perdida qui nous y a fait courir.

Quand nous visitons Teyuna, elle est protégée par l’armée, avec des soldats partout très visibles. L’armée est ici depuis que l’ELN y prit des visiteurs en otage, emmenés pour quelques mois dans la jungle. De nombreux trekkeurs sont ici admiratifs comme nous, les jambes constellées de piqûres de moustiques.

Un hélicoptère de la police nous survole pour se poser sur une terrasse … et y déposer des touristes.

En Colombie la police a l’habitude de faire payer ses services … une irruption bien loin de la culture Wiwa.

Hasta luego.

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Christine Strehl

Super description d une interessante civilisation de grands frères ! Vous avez été récompensés des efforts physiques pour les approcher.Quelle est leur espérance de vie ? Leur mode de vie est il menacé ? Quelles cultures produisent ils ? Bonne continuation.
Christine

marcomarcheur

J’imagine quel choc et quel émerveillement ont été les vôtres.
Ces gens là ont-ils une chance de pouvoir continuer à vivre dans cette sagesse philosophique et cette harmonie terrestre ? J’en doute. Hélas.
Cet endroit est l’exact opposé de ce que vous nous avez donné à voir de la démesure nocturne de Medina.
Une sorte d’abbaye écologique à ciel ouvert…
Sinon, bravo les amis et merci pour vos témoignages.
A bientôt.
Marc

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