Petite Venise de la poudreuse

Dans la France des 36000 communes, combien en connaissons-nous ? A peine epsilon ! Pour un inconditionnel du jeu des 1000 euros, à raison d’une commune par jour, presque cent années seraient nécessaires pour en faire le tour.

Une vie n’y suffisant pas, prendre un biais s’impose pour les connaître un peu. La tentation est grande par exemple de se limiter aux communes situées aux confins du territoire. Parce qu’aux confins c’est encore et toujours la France, où personne ne se méprend sur l’usage d’une boite jaune marquée La Poste en bord de rue, et pourtant on y est tout près de basculer dans un ailleurs étrange, voire absurde, comme une boite rouge pour relever le courrier.

Aux confins, l’histoire a été souvent plus tumultueuse qu’au centre même. Aussi il y a plus de potentiel narratif à Bora Bora qu’à Lamotte Beuvron, à Err qu’à Saint-Amand-Montrond, à Grand Rivière qu’à la Garenne-Colombes, vous l’aurez compris …

Bonneval-sur-Arc est postée précisément à l’un des ces confins, un de ces bouts de France qu’il faut aller chercher à grands renforts de kilomètres dans le compteur, tout là-bas au fin fond de la vallée de la Maurienne, où l’Arc s’ébroue, et aussi bien tout là-haut puisque le village s’élève à 1800 mètres d’altitude. L’atteindre en raquettes reste définitivement le plus classe.

Tout plus beau village de France qu’il se revendique, Bonneval-sur-Arc se transforme l’hiver en terrible glacière, en abominable congélateur, en frigo épileptique, coincé entre pics, pointes , ouilles et aiguilles à l’aplomb redoutable, Méan Martin, Albaron, Levannas, etc.  

La neige n’y fait pas régime et s’accumule comme l’or chez les potentats africains, apportée depuis l’océan par les tempêtes d’Ouest puis ramenée depuis la Méditerranée par les retours d’Est. Les maisons de pierre se métamorphosent alors en dunes d’une neige éclatante, d’où émerge seulement un clocher tutélaire.

Pour les légions de photographes qui défilent dans cette petite Venise de la poudreuse, le must est de cliquer avec le grand bleu revenu.

Mais faute de soleil, la tempête qui sévit fait mieux pour témoigner de la rudesse du lieu.

Vent et neige mêlés par les bourrasques, blanc sur blanc, la pierre et le bois résistent sous les coups de boutoir. D’octobre à mai, l’hiver piétinant le calendrier, année après année, ils protégeaient bétail et paysans unis dans leur chaleur animale.

Nous sommes gelés mais fascinés.

S’abonner
Notifier de
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

3 Commentaires
le plus récent
le plus ancien le plus populaire
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires
Anonyme

Que c’est beau et sauvage ! mais il est vrai que vous êtes + coutumiers des ambiances ensoleillées, non ? Je vois que rien ne vous arrête et que vous continuez à explorer notre belle planète et notre France si diverse. Je suis moi-même en Isère mais presque pas de neige ! Bisous

Veyret

Bien d’accord avec vous : se colter avec les éléments tempétueux rend humble en nous ré-attribuant notre vraie place dans la vraie Nature. Mais en même temps, flocon étoilé sur le sommet de l’épicéa, c’est terriblement jouissif !…
Marco marcheur

Sylvemma

Quand, au même instant, on frôle le coup de soleil sur les pistes ariégeoises transformées en sentier le long duquel éclosent les jacinthes sauvages et les perce-neige annonciateurs du printemps…, sans raquettes, mais avec crème solaire et gourde pleine…

3
0
Qu'en pensez-vous? Merci de vos commentaires!x