Je voterai Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle

Elections, piège à cons! Nous aimions bien ce slogan qui claque la révolte, entre 1968 et 1972, quand nous défilions pas loin du lycée pour la mixité en classe et l’abolition du tableau d’honneur! Il garde aujourd’hui une belle actualité… Et  pas seulement pour l’étonnante rime en « on » à scander sur le pavé « Je ne voterai pas pour toi, Fillon, élections piège à cons! Je ne voterai pas pour toi, la blonde, élections piège à cons! etc … ».

Croire que le Président de la République, parce qu’élu au suffrage universel, peut tout, trouver du travail à chacun, guérir les paralysés, mettre les communautés en harmonie, faire reculer le changement climatique … telle est l’illusion ou la facilité auxquelles succombent trop d’entre nous, tous les cinq ans, trop heureux de déléguer la solution de leurs problèmes à ce Messie républicain. Pour ma part je n’y crois pas un instant et préfère, même modestement, agir individuellement ou collectivement en faveur de ce à quoi je crois. La société, l’économie mondialisée, les mutations technologiques, les ruptures culturelles, les institutions, les courants d’opinion sont bien plus forts que nos gouvernants, alors que chacun de nous constitue un atome agissant de ces forces telluriques. Dans les lois fondamentales de la physique sociale, l’effet de l’action individuelle, quand elle existe, l’emporte de beaucoup sur l’effet du bulletin de vote.

A contrario, pour que la société s’exprime, progresse, il lui faut un terreau favorable,  fruit d’une longue histoire, rare sur notre planète. En France, ce terreau c’est la démocratie, identiquement la république. Il doit être défendu, aujourd’hui comme hier. La démocratie, c’est par exemple la primauté de la loi sur la force, la séparation et l’équilibre des pouvoirs, l’exemplarité des élites, le respect des personnes, le respect de la presse, le droit d’association, et bien des choses encore, si chèrement acquises en trois cents ans d’histoire française, depuis le génial Diderot et les philosophes des lumières.

Aussi du Président de la République j’attends seulement et beaucoup qu’il garantisse la république et la démocratie françaises, dans laquelle les acteurs sociaux puissent agir, le plus souvent pour le meilleur, parce que, même si les exceptions sont nombreuses, le droit naturel tend vers le bien.

Marine Le Pen, je la pense complètement inapte à cet emploi de Présidente. Le retour à une France ethniquement pure relève d’une fiction historique.

La colère, le mépris et la haine ne sont pas de bons ferments pour le bonheur individuel et social. Les mauvaises réponses, style les vrais patriotes contre les mauvais français,  face à de vrais problèmes, chômage des jeunes, islamisme, travail détaché ultra déloyal, Union européenne anxiogène,  campagnes oubliées, police hors contrôle, exacerberaient au contraire ces problèmes. L’explosion des déficits publics qu’elle promet sur la base de son programme économique et social ne paraît, à ce compte, que la moindre des calamités qu’elle déclencherait. Derrière l’habileté du rewording des dernières années, voilant les mauvais mots du vocabulaire du FN de Papa détail, le substrat intégriste, identitaire est toujours là. Pour mémoire, en juin 1940 un très serviable Pétain  s’offrait avec abnégation pour « partager avec le peuple français ses peines et ses misères » et signait l’armistice pour préserver « la France éternelle« , celle dont rêve le FN d’aujourd’hui. Quatre mois plus tard, en octobre 40 Pétain signait la loi sur le statut des Juifs, interdisant aux Juifs français d’exercer un grand nombre de professions qualifiées, et internant les Juifs étrangers dans des camps, posant les jalons pour leur extermination.Un peu d’histoire flèche assez bien l’horizon du FN, dont le soleil a disparu, et aide à se rappeler de quel côté on se range.

Benoît Hamon, je le pense complètement inapte à cet emploi de Président. La démocratie ne peut s’exercer que dans un pays libre, assumant ses engagements. Creuser encore les déficits en France, c’est lui assurer le destin de la Grèce actuelle: le défilé des créanciers et de leurs exigences. Le gouvernement grec c’est la troïka, il est devenu absolument inutile de voter dans une Grèce qui ne peut payer ni ses fonctionnaires ni ses retraites sans les perfusions mensuelles de ses créanciers. La gauche de la gauche nous propose en permanence cette peu réjouissante perspective, en l’habillant habilement d’une théorie keynesienne qui ne s’applique en rien à l’état actuel de l’économie mondiale. Relancer la demande à crédit pour acheter chinois?

Le revenu universel, quel avenir radieux! Braves gens, nous n’avons plus du tout besoin de vous, mais tenez, outre la carte orange gratuite, vous pourrez vous payer des pâtes, des cigarettes, du gasoil, euh …non de l’essence, mais pas trop quand même, c’est dire votre bonheur, et n’oubliez pas de voter pour nous! Dans un pays qui détient un record de prélèvements publics, relever encore les dépenses sociales c’est vouloir soigner un obèse par un régime basé sur la graisse, pour aboutir in fine par un curieux renversement sémantique au régime de la Grèce. L’alliance avec les Verts ne lui confère pas le monopole d’une politique favorable à la transition environnementale, elle le bloque au contraire dans des postures absolument intenables, péché mignon des Verts. Par exemple la réduction à marche forcée de la production nucléaire existante, pour laquelle l’Etat doit signer des chèques astronomiques à EDF. La France n’est pas l’Allemagne. Enfin comment oublier que Benoît Hamon, endossant sans barguigner l’étiquette de frondeur, vient de passer cinq années à combattre quotidiennement l’action du Président issu de son propre parti politique? Pour demander aujourd’hui le rassemblement autour de lui ? Et quoi demain, encore les bisbilles pendant cinq ans? Si oui merci aux media de les taire, c’est trop.

François Fillon, je le pense complètement inapte à cet emploi de Président. La saignée n’a jamais guéri personne, mais au contraire tué pas mal. L’économie nait d’abord de l’optimisme des entrepreneurs et des consommateurs, d’un contrat social équilibré entre les acteurs. La sinistrose et le martyre ne valent que pour les trop pieux trop surs de leur paradis.

Enfin, le prêche pour l’abstinence par celui qui a employé assez mesquinement de l’argent public pour son enrichissement personnel, est écœurant. Accuser en outre ceux qui s’en offusquent d’attenter à la démocratie relève d’un exceptionnel cynisme. Il abime la dignité de la représentation politique, et sape toute légitimité à ses décisions.Et lorsque son parti tout entier se range à ses côtés pour nier l’évidence et garder le pouvoir, il montre un esprit qui n’est plus acceptable. La tête de ce parti est atteinte d’une gangrène incurable, Chirac et Juppé s’illustraient déjà avec les emplois fictifs, Sarkozy, Guéant, inventèrent avec énergie de nouvelles déviances financières, Fillon enchaîne dans un style personnel préhistorique quant à sa vision du rôle des femmes. Cette récurrence est effrayante pour tous ceux qui travaillent vraiment dans des entreprises ordinaires du monde ordinaire et qui savent bien que toutes les dépenses doivent être justifiées au centime, que le comptable ou la caissière fautifs seront immédiatement licenciés.   Il n’est pas une entreprise cotée qui pourrait se comporter comme le parti républicain. Le patron tout puissant de Volkswagen est tombé en quelques jours après qu’un doute sérieux est apparu sur la probité de son management.

Emmanuel Macron, j’estime qu’il est sans doute apte à cet emploi de Président. Parce qu’il cherche à se positionner d’abord sur des valeurs, avant que d’avoir un programme. Parce qu’il montre du courage, en rompant avec le cadre existant, construisant de but en blanc un mouvement ouvert à tout ceux qui partagent ses valeurs,  parce qu’il prend des positions courageuses. Parce qu’il est jeune, dans un pays qui doit remobiliser sa jeunesse … il montre que l’on peut émerger jeune,  sans pour autant exclure les plus âgés!

La France des startups n’est pas que l’image d’Epinal de ses contempteurs, elle a davantage de fraîcheur et de perspectives concrètes que les congrès des socialistes ou des républicains. Alors je lui pardonnerai volontiers les maladresses et les incongruités qu’un plus vieux et plus roué ne commettrait pas, pour ne retenir que le positionnement. Il n’avait pas prévu de se trouver dans la position où il est aujourd’hui d’être le seul à représenter dignement les défenseurs d’une démocratie libre et pérenne! Soumis à une accélération exceptionnelle, il apprend, il apprendra le rôle. Je ne chercherai pas non plus à savoir point par point si ses propositions me conviennent exactement, à l’euro près, car de toutes façons demain sera un autre jour. C’est le cap qui compte, pourvu que le skipper soit légitime. Quant à ceux qui estiment que le centre, le ni droite ni gauche, c’est juste de l’eau tiède, alors je préfère de beaucoup l’eau tiède au sang qui coule, aux lendemains qui chantent, aux patriotes qui partent au combat sur ordre des planqués, etc… Dans l’eau tiède la vie se développe mieux que nulle part ailleurs. L’eau bouillante comme l’eau glacée brulent. L’eau tiède d’En Marche, c’est juste le liquide amniotique de la démocratie.

Alors je voterai Emmanuel Macron au premier tour, puis au second naturellement.

C’est la seule voie pour éviter de ne pas choisir au second tour entre Fillon et Le Pen. Si tel était le cas je ne referai pas 2002, la manif à un million dans la rue, puis  Chirac béat et amnésique pour cinq ans.

Bien sur, si, expérience aidant, j’apprenais, que dans un hôtel à New York, Macron a violé la femme de chambre pour se retrouver à Alcatraz, que dans une ile aux Caïmans il a dissimulé un pactole sous un nom à la Balkany, qui ne font plus rire, que dans un passé lointain il a exploité une maîtresse affriolante sur la cassette de nos impôts, ou que sais-je encore d’archi-nul, alors je serais surpris et terriblement déçu! J’attendrais alors qu’En Marche désigne immédiatement un autre candidat.

S’il devenait Président je n’attendrais pas de Macron qu’il trouve du travail à chacun, qu’il guérisse les paralysés, mette les communautés en radieuse harmonie, fasse reculer le changement climatique … mais qu’il aide à mettre en place des conditions favorables pour que nous agissions nous-mêmes dans ce sens.

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