Sur le GR10, damnées Pyrénées!
Chloroformés par la période de confinement, nous peinions à nous projeter dans de nouvelles aventures pyrénéennes. Aussi fîmes-nous, en cette année virale, le choix de revenir sur nos pas à Saint-Jean-Pied-de-Port pour nous diriger vers l’est, mais cette fois-ci du côté français, sur le parcours du GR10. Neuf jours pour nous rendre aux Eaux-Chaudes.
L’an dernier nous étions partis du même lieu, dans la même direction, mais du côté espagnol de la frontière, en empruntant le GR11.
Oublions tout de suite le tryptique humide de temps médiocre, maussade, mauvais, essuyé sur les deux tiers du parcours. Marcher dans la brouillasse avec cinq mètres de visibilité, stagner sous l’orage effrayant, la cape de pluie faisant tipi, glisser dans les chemins creux transformés en torrents, s’enliser dans d’immondes bourbiers, bivouaquer en mode éponge, voilà toutes les punitions que la randonnée pyrénéenne nous aura infligées cette année.
Oublions au profit de la lumière qui revient et transperce le couvert forestier, de la ligne de montagnes qui émerge, du soleil naissant qui irradie les cimes après une nuit glaciale.
Partout nous croisons des animaux d’élevage qui semblent chaque année plus nombreux. Ici ce sont les gigantesques troupeaux de moutons et de brebis qui impressionnent. Ils produisent ces fameux fromages Ossau-Iraty que des bergers d’opérette, à bérets au diamètre 33 tours, vendent à prix d’or sur les marchés d’Ile-de-France.
Un troupeau de brebis fait un sitting sur le sentier, comme dans une manif d’extinction-rébellion. Nous contournons ces ovidés qui se font dorénavant protéger par des patous, chiens aux réactions imprévisibles. Un randonneur croisé nous raconte comment, aujourd’hui même , il a été saisi au bras par une gueule puissante, se faisant la peur de sa vie de marcheur.
Un manifestant pourtant pacifique vient de se faire bomber.
Il semble que le patou soit plus dangereux pour les randonneurs que pour les ours. Nous verrons l’ours seulement en photo dans une maison du Parc national. Seule cette institution se porte à sa défense. Ailleurs on hait définitivement l’ours, l’ours slovène, cet étranger au fort accent venu manger le pain des moutons français.
Cette vache rumine, regard en coin, dans la posture avantageuse de la Grande Odalisque. Nul doute que Jean-Baptiste Ingres soit venu chercher ici son modèle, croupe sur croupe, dans ce Béarn d’altitude.
Nous passons à Lescun sous une grisaille et une fraîcheur persistantes. Un couple très âgé et d’une franche gaité nous y raconte le Lescun de 1940, dix fois plus peuplé, curé à l’année, école élémentaire braillante. Tout cette vie disparue. A l’inverse la toute nouvelle propriétaire du gite nous refuse d’allumer un feu de cheminée quoique nous soyons transis. Elle nous refuse aussi un petit morceau de savon tandis que nous sommes candidats à la douche. Mais alors Madame, pourquoi tenir un gite de randonnée quand il y a tant à faire dans l’administration pénitentiaire?
Le Pic du Midi d’Ossau, l’Ossau pour ses intimes, est sans conteste le prince de ces montagnes. D’où qu’on le découvre l’émotion est là. Même du boulevard des Pyrénées à Pau, il s’encadre, il s’encastre, il s’enchasse dans la chaîne. Alors depuis les cols et cimes alentour c’est juste une montagne éblouissante.
Ces iris sur fond d’Ossau et de mer de nuages se sont posés dans un décor de rêve.
Neuf jours de marche avec 12 ou 13 kilos sur le dos, c’est la bonne dose pour tester les machines. Comme dans toutes les Pyrénées, le parcours enchaine cols élevés et vallées profondes. Avec souvent de grosses bavantes, il n’y a pas d’autre mot pour le dire. L’étape d’Escaut au lac d’Ayous nous fait remonter 1600 mètres d’un seul tenant … Au début de ce rampaillou nous empruntons le spectaculaire chemin de la mature, mais ce n’est qu’un hors d’oeuvre.
Dommage qu’on installe pas davantage de funiculaires comme celui de Pau, si charmant.
Le GR10 a le défaut de faire étape dans quelques uns des endroits les plus hideux des Pyrénées, qui s’y connaissent en la matière. C’est le cas à Arette la Pierre St Martin, un exemple très abouti de l’effrayante détérioration de la montagne par les stations de sport d’hiver. Le splendide massif karstique défoncé de part en part, des immeubles tristounes à en faire pleurer les skis, des parkings à hurler, que du vomi de promoteur. Jusqu’au sentier du GR10 barré par d’énormes boulons!
Certains lieux rendent au contraire justice aux Pyrénées comme Sainte-Engrace, avec son église hors d’âge, son cimetière peuplé de défunts aux noms aussi basques qu’imprononçables. Ou Borce en Vallée d’Aspe, ou encore Laruns au pied de la vallée d’Ossau. Mais ce sont précisément les lieux les plus anciens et les mieux conservés, parce qu’au 20eme siècle, quel désastre!
Terminant cette randonnée à Laruns, nous y retrouvons l’insigne des temps, ce masque si critiqué hier par les autorités de santé, et si vanté aujourd’hui par les mêmes. Jusqu’à en affubler les statues des héros locaux.
Nous y reviendrons! Hasta luego …
merci Philippe et Catherine. cela m’a rappelé le GR10 parcouru en 1974 avec Yanou d’est en ouest depuis Seintain dans l’Ariège jusqu’au cirque de Gavarnie, la tente sur le dos et quelquefois dans le brouillard comme vous…
amitiés
Robert