Lanzarote, la volcanique
Fascinante Lanzarote
Les iles sont fascinantes. Détachées des grandes terres, elles sont comme détachées du monde. Libérées des liens qui assimilent jusqu’à fondre, toutes ont développé une personnalité unique, faite de géographie, de géologie, d’histoire, de peuples et de culture, d’une originalité propre à stimuler en permanence notre soif de découverte.
Quoi de commun entre Santo Antão à l’ouest du Cap Vert, Hiva Oa aux Marquises, Houat en Bretagne sud, Tikehau aux Tuamotu, La Gomera aux Canaries, Folégandros dans les Cyclades, la Maddalena dans les iles sardes, Egine, Guernesey, Chiloë, Minorque, la Corse, et tant d’autres iles souvent découvertes au bout de l’étrave, quelque fois au bout du tarmac, sinon la découverte d’une version aussi différente qu’attachante du monde. Dans cette collection amoureuse, Belle-Ile-en-Mer y tient toute sa place!
Lanzarote, nous pouvions la craindre comme une Canarie vouée à griller des brexiteuses et brexiteurs, la peau marbrée de rouge et blanc, fanés par trop d’âge, ou bien victime du terrifiant bétonnage côtier à l’espagnole. Cela existe en effet à Lanzarote, Punta del Carmen, Playa Bianca, grandes banlieues proprettes de Birmingham, au soleil, so british …not for us.
Le vrai Lanzarote est ailleurs, fascinant dès le trait de côte franchi, au milieu des vignobles plantés sur des terres couvertes de lapilli, cernés par des champs de lave immenses et tumultueux, dominés par des centaines de cônes volcaniques aux arrondis parfaits.
Cesar Manrique, créateur de Lanzarote
C’est là que nous avons posé nos bagages pour une semaine dans une « casa rurale » au décor inspiré de Cesar Manrique.
Cesar Manrique, l’homme sacré de Lanzarote. Natif de l’ile, hélas volontaire franquiste à 17 ans, architecte, sculpteur, peintre, décorateur … revenu en 1968 s’établir dans l’ile en artiste consacré, et devenu là précurseur de la préservation de l’environnement. C’est grâce à sa volonté et son influence que l’urbanisme a été canalisé à Lanzarote, qu’aucun panneau publicitaire ne défigure les paysages, que les hameaux tous parés de blanc résistent au mitage, que des œuvres parsèment les perspectives, que les british y restent contenus dans des enclos very close to the beach.
Un vignoble de malvoisie, exceptionnel
Alors nous restons admiratifs devant ces vignobles étendus, où chaque cep, pour le protéger du vent saharien desséchant, la calina, est planté dans une cuvette de lapilli ceinte d’un muret de pierres de lave. Unique!
Une topologie étrange qui maille le paysage en cercles noirs et tangents, répétés à perte de vue. La malvoisie, cépage dominant, y rend d’excellents vins blancs et rouges, parfaitement équilibrés, nos gusta mucho.
La star de l’ile, c’est la lave. Partout présente, la plus ancienne transformée en terre cultivable sous l’effort canarien, mais la plus récente, au contraire, noire, torturée, convulsive, tartinée en couches épaisses par la dernière période de grandes éruptions, de 1730 à 1735. Cinq années dans les flammes et la cendre, où les campesinos virent leurs villages engloutis par le feu et la lave glissant visqueusement vers l’océan. Quelle terreur! La ruine de l’ile. Presque trois siècles plus tard, aucune végétation ne s’est installée sur ces champs de lave brûlés de soleil et de vent, sauf, par endroits, de maigres lichens.
Pourtant, de ce mal naquit un bien, puisque les volcans éjectèrent d’énormes quantités de lapilli, fragments de lave minuscules, presque de la cendre, eux très fertiles, cultivables, qui permirent le retour de la prospérité, et le développement de ce vignoble de légende. Ainsi à Lanzarote, la richesse des vignobles, médailles d’or à Paris, Lyon, Bordeaux jouxte le dénuement métaphysique des champs de lave brute. Contraste.
Sur les volcans dont la perspective encadre à chaque instant le regard, on y marche. De préférence le matin avant que le soleil et le vent ne vous y cuisent. Au-delà de 300 à 400 mètres d’altitude, la vue embrasse pentes, laves, océan et pueblos blanchis à la chaux. Elle plonge aussi dans le fond des cratères, qui, en concentrant le peu d’humidité ambiante, s’illustrent de quelques herbes, arbustes et géraniums persistants. Muy lindo. La récompense au bout des souliers.
La randonnée du matin a l’avantage de se conclure dans un vrai bar à tapas, bien loin de la Bastille, reste à choisir entre ¼, ½, ou una racione completa de pulpo à la gallego, de chipiron, de marisco, etc. pour un prix encore plus éloigné de la Bastille.
Complétant cet agenda par la visite de quelques bodegas aux vins d’un caractère affirmé, la plongée dans les profondes grottes de lave, quelques baignades sur les plages préservées, des échanges en espagnol avec les gens d’ici, au bistrot comme au bord de la route, la visite des maisons d’artiste de Cesar Manrique, on saisit toute l’âme singulière de Lanzarote.
Lanzarote, qui s’y frotte s’en pique!
Encore une destination sur la liste. Qui s’allonge, s’allonge, s’allonge !
Le routard ou plutôt Michelin t’offrirait un poste tout de suite…tu es passionnant et ton vocabulaire est riche et précis. : c’est un vrai bonheur de te lire..et tu éveilles nos appétits touristiques..
Un grand Merci !
Valérie