Fuerteventura, la venteuse, l’aventureuse
Séparée de Lanzarote par un détroit d’une douzaine de kilomètres seulement, éloignée de l’Afrique d’une centaine, Fuerteventura, l’ile du « vent fort » n’usurpe pas son nom. Les nombreux moulins à vent d’un joli style campagnard, ancrés dans un paysage fièrement aride, nous en fournissent un indice dès le premier jour.
La preuve en arrive quand, louant des VTT à El Cotillo, nous prenons la piste côtière. Vent, plutôt rafales debout, en direction de Coralejo à vingt-cinq kilomètres de distance. Tout aussi debout sur les pédales, nous cahotons sur les pierres et nous jouons notre équilibre sur les plaques de sable rabattues sur la piste comme des congères.
A Fuerteventura, presque tout pour la glisse
Sur notre gauche l’Atlantique écume sur les platiers de lave polis par le temps. A notre droite la poussière tourbillonne sur les pierriers de lave émiettée par le temps. Les véliplanchistes profitent de ces conditions musclées pour décoller sur les vagues et faire des sauts impressionnants.
Fuerteventura c’est une destination mythique pour tous ces fans de glisse. Ici « board » ne signifie pas « conseil d’administration », mais « planche »! Planche à voile, surf, kite, de la glisse, de la vitesse, du fun! Des vagues et du vent, les riders en sont addicts. Pas nous, mais on le regrette bien!
On ne compte plus les board shops, les shapers, les surfs schools, où l’Europe du Nord dépêche des escouades de sirènes boréales. Elle viennent y comparer leur teint pâle à la peau des élégantes ibériques, cuivrée par un soleil à 3000 heures de temps de travail, avant de se balancer ensemble sur la crête mousseuse des déferlantes.
Dans les rues d’El Cotillo, ancien abri de pêcheurs au nord-est de l’ile, reconverti à la mode surf and co, on y croise ce monde fluo de la glisse. Les combis Volkswagen n’y sont pas rare. Les toits des utilitaires sont surchargés de matos. Les vieux surfeurs, arrivés il y a trente ou quarante ans en avions à hélices, y tiennent bars à tapas et restaurants d’un style mi local, mi branchouille.
Il faut d’ailleurs s’attarder dans ce nord de l’ile, car, au centre et au sud, la côte a été défigurée, tandis que l’intérieur, même s’il offre des vues splendides, a toutes les allures d’un djebel desséché, sans eau ni ombre, peu propice aux longues randonnées.
Volcans arrondis et espaces désertiques
Restant dans ce nord nous effectuons des ballades sur des volcans éteints depuis des millénaires, également dans des paysages de dunes blondes.
Sur la crête du volcan Hondo, nous sommes accueillis par une colonie d’écureuils peu farouches, qui viennent sautiller dans nos pieds.
Au sommet du volcan Escanfraga, d’où l’on a des vues extraordinaires, c’est une crèche au complet qui nous accueille. Nous n’y verrons personne d’autre que ces santons des Canaries.
Nous réalisons de grands raids à VTT sur la bordure des falaises qui stoppent fermement l’Atlantique, dans un paysage absolument désertique que limitent vers l’intérieur les volcans retraités depuis trois à quatre mille ans.
Raids qui justifient la seconde version du nom de l’ile, Fuerteventura, ou l’ile de la « grande aventure », ainsi nommée par son premier colonisateur européen, le normand et français Jean de Béthencourt, venu en 1407. Il s’empara de cette ile de 100 kilomètres de long avec 30 ou 40 soldats, féroces sans doute. Sa capitale, pas davantage qu’un maigre hameau avec un peu d’eau et un peu d’herbe pour retaper ses chevaux fourbus, porte aujourd’hui un nom sans ambiguïté : Betancuria…
Sentiment contrasté
Nous quitterons Fuerteventura avec un sentiment contrasté, d’un côté des espaces naturels atrocement défigurés, dont un magnifique littoral au sud préempté par des promoteurs fricards, auteurs de programmes immobiliers hideux à Costa Calma, Moro Jable, des autoroutes totalement disproportionnées, dénaturant complètement les sites, et, d’un autre côté, les paysages désertiques du nord, les pistes, dignes des grands espaces de la pampa argentine, l’ambiance surf à l’espagnole d’El Cotillo, de Corralejo, où une semaine n’est pas de trop pour un programme board & bike & tapas.
Ainsi se termine notre découverte des iles Canaries, entamée il y a quelques années, Tenerife, Grande Canarie, La Gomera, La Palma, Lanzarote, Fuerteventura. Il manque El Hierro, la plus au large, longée alors que nous partions au Cap Vert sur le voilier d’Odile et Jacques. Canaries attachantes qui méritent chacune le voyage, car il reste aisé d’y éviter les concentrations touristiques, pour profiter d’un environnement surprenant et d’habitants très cordiaux dès qu’on manie, même maladroitement, leur idiome. Nous y reviendrons! Hasta luego!