La longue route

Depuis le détroit de Magellan notre mission est claire: rejoindre le nord du Chili, en passant par l’Argentine. Soit 4000 à 5000 kilomètres de route, pour aller du 53^ème parallèle au 23^ème parallèle sud.

Carte en main la route part de Punta Arenas au Chili, puis Rio Gallegos en Argentine, sur l’Atlantique, pour rejoindre successivement Puerto San Julian, Comodoro Rivadavia, toujours sur l’Atlantique, ensuite traversée au nord-est vers les Andes par Sarmiento, Bariloche, quitter la Patagonie et remonter plein nord par la route 40 vers Mendoza, Villa Union, Cayafate, Salta, avant d’obliquer enfin vers le Chili et San Pedro de Atacama par le col de Jama à 4200 mètres. Vous suivez?

Et au passage visiter parcs et curiosités … quand il y en a.

La route est longue, avec des portions interminables de désert balayées par un vent violent, des lignes droites riches de dizaines de kilomètres, pas un arbre ni arbuste ni touffe ni rien en vue. Il faut tenir fermement le volant à deux mains. Attention aux petites tornades qui soulèvent des colonnes de poussière. Deux nous ont croisé sur la route et nous ont violemment secoués. Le vent est d’abord très froid dans le sud jusqu’à Esquel, puis devient caniculaire au nord de Mendoza.

Les stations service sont distantes de 200 kilomètres, ou plus en Patagonie, autant dire qu’il ne faut pas attendre d’avoir le réservoir vide pour faire le plein. Beaucoup de chaussées ont été refaites, mais les tronçons de travaux en cours, surtout sur la route 40 nous jettent sur de mauvaises pistes, jusqu’à 100 km à manger des cailloux et de la poussière.

Nous traversons toutes sortes de zones étranges, parfois constellées de cratères, parfois couvertes de laves, parfois semées de puits de pétrole, parfois inondables, parfois dans des sierras furieusement desséchées…mais aussi régions boisées autour de Bariloche et régions fertiles autour de Mendoza.

Très difficile de trouver la route car il n’y a pas de signalisation régulière, sinon fantaisiste … Bonne occasion de travailler notre espagnol de survie car les gens d’ici savent où est la route, il suffit de demander, ils comprennent la pregunta, le problème est de comprendre la repuesta. Les argentins ne disent pas « ruta » avec le rrrrr… imposé en cours d’espagnol, mais carrément « chuta », car l’argentin chuinte, chuinte. De même la priorité à droite est un concept absolument inconnu ici, il faut juste deviner la route prioritaire, pas facile pour nous les estranjeros. On pourra se vanter de l’avoir faite la choute 40, de chout en chout. On achètera le tee-shirt souvenir avant de partir, avec un énorme « Chuta 40 » imprimé dessus en gras! Plus fort, on croise quelques rares vélos chargés comme des mules, des dingues à notre avis, prêts à des souffrances inédites, à terminer pétrifiés sur leur bécane, avec un chuta 40 tatoué dans le creux de l’estomac.

Nous rejoignons la belle région des lacs cette fois-ci côté argentin à Esquel. Nous enchainons alors les parcs nationaux. L’occasion de faire de belles ballades, vers le Cerro Dedal dans le Parque Los Alerces.

Dans la zone du Cerro Catedral, station de ski de Bariloche dans le Parque Nahuel Huapi. C’est un belvédère d’où nous voyons le Cerro Tronador vers le Chili, et la ville de Bariloche au bord du très grand lac Nahuel Huapi,

Randonnée aussi sur le volcan Lanin dans le Parque Lanin. Au point haut de cette ballade, vers 2500 mètres, nous déjeunons à l’intérieur du refuge militaire argentin pour nous mettre à l’abri d’un soleil absolu en discutant avec les deux appelés argentins qui crament leur été ici. Ils occupent le terrain et contrôlent que les chiliens d’en face ne débordent pas du strict quart de volcan qui leur appartient. Nous terminons cette rando surchauffée par une baignade dans le lac que nous voyions depuis le refuge.

Les ballades sont très belles, mais l’hébergement est devenu beaucoup plus difficile car les argentins sont maintenant en pleines vacances d’été, il y a beaucoup de monde. Notre nomadisme ne permet pas de réserver en avance, et c’est quelquefois tendu pour trouver quelque chose de libre et pas trop nul. Bariloche et sa région sont particulièrement bondés, en proportion de l’attrait des lacs et des forêts qui s’y trouvent. Sans compter la vie trépidante de cette station qui attire tous les jeunes argentins! D’hôtel en apart-hôtel, puis de camping organisé en camping agreste, nous devons tester tous les niveaux de confort. On se refuse encore à l’ « hostal compartimendo », minuscules dortoirs semi cloaqueux qu’on nous a quelquefois proposés. On se souvient de la jeune française qui y avait contracté la gale …

Posté de Villa Union, Hasta luego