Bonne année 2020 ! ou Bonne année 2020 ?

2020,  vingt vingt comme un nombre qui bégaierait, ce sont déjà vingt pleines années parcourues dans le troisième millénaire, dont on redoutait qu’il ne boguât dès sa première seconde. C’est aussi l’âge de la majorité pour le 21ème siècle, parvenu au cinquième de son espérance de vie. Ce seuil où l’on jauge son avenir au regard de l’élan de sa jeunesse.

Mais chaque année notre bonne année s’enroue un peu plus, se teinte de morosité, se souhaite comme on avalerait un cachet, avec la sourde crainte de pousser au nouveau portillon du temps.

Avec la chute du communisme s’effondrèrent l’avenir radieux et les lendemains qui chanteraient. Avec la crise avérée de la civilisation industrielle, ou crise écologique par euphémisme, le modeste avenir meilleur qu’on se promettait s’abime dans les vapeurs de pesticides, fongicides, herbicides, oxygénocides, etc.

Et lorsque nous croyions comme John Lennon en avoir presque fini avec les ismes, ces idéologies mortifères qui bouzillèrent le 20ème siècle, nationalisme, fascisme, nazisme, stalinisme, … ils reviennent de plus belle et d’encore plus loin, fondamentalisme, populisme, etc.

Les nouveaux media issus des derniers développements de la technologie sont aussitôt détournés pour la diffusion de fausses nouvelles et la manipulation, stimulent et drainent la haine comme l’Amazone charrie la boue.

Les manipulations génétiques, l’intelligence artificielle, toutes ces sources d’augmentation de l’humain, comme les lunettes ou le moteur à vapeur le furent, sont à peine écloses qu’elles forment déjà des menaces extraordinaires. Alors que l’on se réjouit des enfants sans père, dernier progrès de notre moderne société, demain logiquement des enfants sans mère, après-demain des enfants sans parents, il n’est pas besoin de science-fiction pour prévoir que les individus seront encore plus seuls et narcissiques au sein d’un monde entièrement déréalisé. Trimballés par leur exosquelette d’une roue ou d’un pas mécanique, les yeux rivés à l’écran, les oreilles collées au casque, et bientôt les chips logés dans les plis du néocortex.

L’impasse paraît profonde.

Les fondamentalistes religieux ne proposent que d’imiter, à la lettre, la vie du Prophète telle que rapportée dans les manuscrits, y-compris dans sa violence et sa négation de l’autre, lapidant les femmes adultères parce que c’est écrit comme cela depuis le 7ème siècle.

Sur un registre plus actuel les écologistes conséquents explicitent les conditions permettant d’éviter l’effondrement, ne plus voyager loin, ne plus manger de viande, ne plus se chauffer autrement qu’aux énergies renouvelables, ne plus renouveler appareils et équipements, se défier des technologies digitales, ce qui ne manque pas aussi d’apparaître comme un retour au passé. Il nous faudrait redescendre tout l’escalier, à l’échelle de la planète. Dix milliards d’ascètes en 2050? Comment y croire?

 D’un autre côté, les croyants du progrès techniciste pensent que toute nouvelle couche de découvertes permettra de régler, dans un vertigineux quitte ou double, les écueils des précédentes. Pourtant la science a glissé insensiblement de l’invention de la roue, du palan, de la turbine à eau, de la lunette astronomique, fabuleux outils qui ne modifiaient pas l’environnement vers une myriade de technologies qui le dévorent, sans que nous en ayons pris jusqu’ici la claire conscience.

En attendant, la masse de ceux qui espèrent que la démocratie fraiera une route parmi tous ces dangers, et saura même dégager les opportunités, n’ont que des motifs à s’inquiéter. Le plus anodin est sans doute que quelques élus ou fonctionnaires trichent médiocrement plutôt qu’ils ne pensent, cela reste négligeable. Plus grave est que les électeurs suicident partout leur démocratie, à coup de Trump, de Salvini, de Bolsonaro, sans parler de Poutine et autre gai luron hongrois ou polonais. Encore plus grave est que la démocratie est lourde, lente et empruntée tandis que l’accélération du tempo est énorme.

Une bonne année 2020, oui, souhaitons la, avec prudence.

On y préférera la santé à la maladie, pour cela peler les pommes, rincer les fraises, éviter les produits emballés, prendre la chance plutôt que la malchance. On y préfèrera le vrai au faux, pour cela éviter Facebook, Twitter, et l’info en continu, pousser, suprême audace, jusqu’à lire des livres. On y préfèrera l’estime au mépris, il y a de nombreuses voies, notamment les amis, les créateurs, leurs œuvres, les regards des enfants. On y préfèrera la nature aux artifices vidéos, et pour cela la randonnée, la montagne sans trop de remontées mécaniques, le soleil à l’aube, la voie lactée à deux heures dans la nuit d’été, les herbes qui ondulent dans la brise, la mer et ses vagues qui courent les océans, et l’albatros qui les survole.

Alors oublions « Bonne Année 2020 ? », résistons et souhaitons, à nous tous du genre humain, ainsi qu’au monde animal et végétal auquel nous appartenons, une « Bonne Année 2020 ! »

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Marie-Claude VEYRET

Merci Philippe.
C’est magnifique! tu as tout dit ; j’ai beau cherché je ne vois rien à ajouter; il nous faudra plus que jamais maintenant chercher partout le verre à moitié plein mais vous le faîtes merveilleusement bien.
A bientôt les amis.
Marie-Claude Veyret

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