En France la stratégie de lutte contre l’extension du Covid19 patine

13 avril à 14h

Le confinement a débuté le 17 mars à 12h, soit depuis 26 jours. Or la période d’incubation de la maladie est comprise dans une fourchette de l’ordre de quelques jours à deux semaines. Les signes alarmants apparaissent en général après 5 à 8 jours après le début de la maladie. Avec ces délais, il est vraisemblable que les patients qui entrent en hospitalisation depuis une semaine ont été contaminés après le début du confinement, dans leur très grande majorité.

Le nombre de nouveaux patients qui entrent quotidiennement en hospitalisation constitue un excellent indicateur de l’évolution de l’épidémie dans la population, mais il ne figure pas directement dans les statistiques journalières publiées par SPF. Il se détermine aisément comme un solde des indicateurs publiés.

Pour la période du 19 mars au 12 avril, la chronique journalière des patients admis à l’hôpital figure ci-après, en tableau et en graphique :

Une image contenant texte, carte

Description générée automatiquement

On peut ainsi commencer à évaluer l’effet du confinement. Il apparaît qu’il a pu enrayer la montée exponentielle des hospitalisations et des décès, mais qu’il ne permettra pas de réduire la contagion en dessous d’un niveau très élevé.

En effet les entrées journalières à l’hôpital restent dans la dernière semaine, du 5 au 11 avril, comprises dans une fourchette de 1800 à 3000 admissions, avec des patients qui ont contracté la maladie après le début de la période de confinement.

Ce chiffre est certes en fort recul par rapport au niveau de 3871 admissions, maximum atteint le 1er avril, avec une bonne part de patients contaminés avant le confinement. Mais ce recul n’est que de l’ordre de la moitié.

Les chiffres d’admissions du samedi 10 et dimanche 11 avril sont en baisse, mais ils correspondent au week-end de Pâques, avec une suspicion de sous-collecte. Cet effet a été constaté lors des dimanches précédents, pour toutes les données collectées. Si cette baisse amorçait une vraie tendance, ce serait enfin une excellente nouvelle.

Dans les jours à venir le niveau de décès journaliers devrait rester autour de 400 personnes à l’hôpital. Il pourrait rester durablement à ce niveau très élevé à stratégie constante, à moins que la tendance du week-end de Pâques se confirme.

Il convient aujourd’hui de revoir en profondeur la stratégie en cours dont le risque considérable est à la fois d’échouer à contenir la contagion et de bloquer durablement l’économie.

Les stratégies mises en œuvre par les pays pour lutter contre la contagion reposent sur un mix de cinq grands piliers:

  1. Les gestes barrière
  2. Le port du masque
  3. Le confinement
  4. La détection et l’isolement des personnes contaminées
  5. La protection des personnes à haut risque

Si l’on examine la France, on constate sur ces points la situation suivante:

1 . Les gestes barrière

La communication sur les gestes barrière a été forte et efficace, avec un impact notable sur le comportement des français.

2. Le port du masque

La France est très en retard sur les pays performants, car faute de masques certifiés, les autorités ont découragé la population d’en porter. Ce message inutilement négatif a d’ailleurs été très bien reçu par les français qui n’ont aucune habitude de porter des masques, et ont à cet égard des préjugés négatifs.

La conséquence est que dans tous les lieux publics la possibilité de contagion reste à un très haut niveau.

Il est désormais urgent, sans attendre le déconfinement, d’imposer le port du masque dans l’espace public. Pour cela il faut expliquer l’utilité de cet outil, encourager les français à confectionner leurs masques, notamment par la diffusion de modes opératoires et de conseils d’utilisation. Il faut enfin assurer la fourniture de petit matériel en surfaces alimentaires.

3. Le confinement

Le mot de confinement n’a pas été utilisé dans le discours du Président de la République, traduisant ainsi l’ambiguïté de la mesure et la réticence à entrer dans cette période.

Le confinement mis en place s’est avéré un dispositif à géométrie très variable et difficile à comprendre. D’un côté les forces de l’ordre sont aujourd’hui à la chasse des promeneurs isolés, de l’autre côté les gens se pressent dans les supermarchés alimentaires, sans masques, sans gants et sans distances de sécurité.

Les obligations et les ressources ne sont pas allouées au mieux pour mettre en œuvre un confinement efficace. Il serait ainsi plus utile que la police contrôle le port du masque et le lavage des mains à l’entrée des supermarchés, dans le cadre d’une politique de conseil impératif, qu’elle ne dresse des PV dans les allées forestières.

Les objectifs et les méthodes de confinement n’ont pas été définis et communiqués de façon suffisante pour être intégrés par la population.

4. La détection et l’isolement des personnes contaminées

Ce point est décrit comme crucial par les pays les plus performants, en Asie comme en Europe, avec l’Allemagne et certains pays du nord.

Il paraît négligé aujourd’hui en France, en étant concentré sur le seul point de la normalisation des tests. Ce blocage est étonnant quand les pays qui testent sont des pays développés dont la qualité des produits et services est aujourd’hui universellement vantée : Allemagne, Corée du sud. Ce point est d’autant plus surprenant que la France est dotée d’un réseau de laboratoires d’analyses médicales et vétérinaires très dense, qui possède toutes les compétences et équipements nécessaire.

De même l’isolement des personnes contaminées est inexistant, ce qui revient à dégrader les effets du confinement, puisque les personnes contagieuses restent au contact des personnes non contaminées. La France a la chance de disposer d’infrastructures d’accueil touristique très importantes. Il conviendrait de les réquisitionner immédiatement pour assurer l’accueil des personnes contagieuses.

5. La protection des personnes à haut risques

La montée dramatique des décès en EHPAD illustre a contrario l’importance qu’il faut attacher à le protection des personnes à risque, tant les personnes très âgées, que les personnes atteintes de maladies chroniques ou encore les personnes en situation d’obésité. Pour toutes ces populations à risques des stratégies de protection dédiées sont à mettre en œuvre.

Pour piloter la réponse au Covid19, la mise en place d’une cellule de crise permanente, ou cellule de commandement unifiée, constitue un impératif. La mise en œuvre des décisions prises par le pilote de la cellule de crise devrait être confiée à un opérationnel de haut rang ayant fait ses preuves dans des crises antérieures et doté des pouvoirs nécessaires.

En dépit d’un effort de transparence manifeste et appréciable de la part du gouvernement, tant le calendrier de la communication que la répartition des responsabilités entre décideurs politiques, experts, élus, etc. offre jusqu’ici un tableau anxiogène.

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2 Commentaires
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Bernard

Merci Philippe , je me permets d’ajouter que le site du WHO pour le Coronavirus (https://www.worldometers.info/coronavirus/country) donne depuis des semaines le compte des nouveaux cas journaliers de covid-19 ce qui permet d appréhender l’efficacité des mesures adoptées dans chaque pays ;J’invite les personnes intéressées à consulter ,par exemple ,la courbe des nouveaux cas journalier en Coree du sud ou l’on voit que l épidémie de son début a sa stabilisation s ‘ est fait en 5 semaines environ . Selon les chiffres disponibles ( taux de verbalisation ) les français suivent les consignes de confinement a plus de 80 %… Lire la suite »

Sylvie Antona

Merci pour cet article que n’es tu entendu ou lu…j’aime le bon sens, quand il est vraiment partagé…

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