Détroit de Magellan, le mythe

Après le Perito Moreno en Argentine, poursuivant toujours plus sud nous revenons au Chili. Cinq guichets à franchir et trois bonnes heures au poste frontière. Au cinquième et dernier guichet, un douanier chilien saisit les deux oranges et les deux avocats que nous transportons. Il les pèse sur un pèse-héroïne, remplit un formulaire de quelques pages, les coupe en deux, les emballe dans un sac, puis les poubellise ostensiblement. Dommage, c’était nos seules provisions dans un endroit sans épicerie à moins de 100 kilomètres! L’UE peut revendiquer une certaine avance sur le Mercosur.

Direction Parque Torre del Paine, où nous passerons deux jours, pas davantage. Ce parc est de très loin le plus réputé de tout le Chili, sinon d’Amérique du Sud. Pour en faire un résumé critique, disons que si on aime croiser plus de cinquante marcheurs à l’heure de randonnée, soit 400 environ dans nos huit heures de marche vers le glacier Grey, si on apprécie le spectacle de grandes étendues de forêt calcinée, si on aime payer son hébergement trois à quatre fois plus cher que dans le reste du Chili, si on aime jouer des coudes pour monter sur le bateau qui mène au point de départ de tous les circuits, si enfin on aime lire les innombrables panneaux sur ce tout qui est interdit ici, alors on adorera ce parc! On en oublie presque complètement sa nature spectaculaire.

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A Puerto Natales nous trouvons une ville chilienne attrayante, authentique et raisonnablement touristique. Dans une théâtralité bien patagonne, elle est la capitale de la province d’ « Ultima Esperanza ».

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Dernier espoir de colons venus d’Europe chercher fortune, mais aussi dernier désespoir des populations indigènes disparues. Le musée local nous expose sobrement que ces populations n’ont pas su s’adapter … exemple : elles continuaient la chasse ancestrale des guanacos sur des terres que les colons s’étaient arrogées, les indiens n’ayant pas de titres de propriété. Vols justifiant d’une chasse à l’homme systématisée, avec chasseurs de primes payés au nombre d’indiens abattus.

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Poursuivant une aussi théâtrale « Ruta Fin del Mundo », nous atteignons le détroit de Magellan. Mythique! Nous l’avions appris dans les livres, nous l’avons ici devant les yeux. Il existe en vrai ce passage entre l’Atlantique et le Pacifique, zigzaguant entre un chapelet d’iles glacées, séparant la Terre de Feu et autres terres mystérieuses du continent.

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A Punta Arenas le détroit prend la forme d’une belle mer intérieure, balayée par un vent violent et des grains très frais lorsque nous y parvenons. Magellan découvrit ce passage en 1520 au prix d’une opiniâtreté exceptionnelle, faisant de son expédition la première à faire le tour du monde, prouvant définitivement la rotondité de la terre. Nous avions lu le récit de cette aventure écrit par Stefan Sweig, bouquin absolument passionnant.

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La grande ville de Punta Arenas est attachante, autant que singulière. Singulière car il n’existe aucune ville de cette dimension plus au sud. Nous sommes sur le 53ème parallèle Sud, nettement plus bas que les Kerguelen, sur la seule terre émergée de la planète dans ces latitudes, hormis l’Antarctique. Ici le vent fait le tour de la terre sans rencontrer d’obstacle. Singulière aussi parce que la ville existe depuis seulement 150 ans. Un endroit sans équivalent.

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Ici comme à Puerto Natales une quantité considérable de bateaux de pêche traquent la « centolla« , l’araignée de mer, ici dans sa forme géante. Beau décor.

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Nous rejoignons en VTT, puis à pied par une grève sauvage, le phare San Isidro, le phare continental le plus sud de la planète, à l’extrémité du continent américain. Seuls deux autres phares sont encore plus loin dans le sud, mais ceux-là sont situés sur des iles, dont le phare du Cap Horn. Notre position enregistre alors 53° 47’S, le point le plus austral de notre voyage. Nous n’irons pas plus loin dans le sud, ou alors une autre fois. Nous éprouvons la même sensation qu’en atteignant un sommet. Cela ne sert à rien, mais on l’a fait.

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Hasta Luego … avec les pingouins magellaniques et le cri du lion au soleil.

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phicatgarnier

Merci de vos commentaires! Oui Claudine on avait lu l’amant de Patagonie, un livre qui se lit d’une traite, romanesque et formidablement documenté. Etonnant qu’Isabelle Autissier n’ait pas eu de prix littéraire pour cela. Pour le voyage on a emporté « dernières nouvelles du sud » de luis sepulveda , et aussi « La maison aux esprits » d’Isabel Allende, à recommander! Oui Jean, on adore aussi le Queyras où nous avons trainé nos raquettes et skis de fond en de nombreuses occasions. Et aussi grimpé au sommet du pain de sucre, pas si facile, et du Grand Glaisa, pour descendre en courant sous… Lire la suite »

Jean Coetmeur

Merci à nouveau pour vos superbes articles.Rassuré que vous n’ayez pas fini dans une geôle chilienne pour un avocat et deux oranges.Je pars à la fin de la semaine faire des raquettes dans le Queyras. C’est nettement moins fun. Amitiés. Jean >

Claudine

Merci pour ces photos du bout du monde belles et émouvantes. J’ai lu avec passion comme vous le Magellan de Stefan Zweig, le courage de ces hommes était impressionnant.Vous avez peut-être aussi emporté l’excellent roman
 » l’Amant de Patagonie » d’Isabelle Autissier, la photo de ces malheureux « indigenes » y fait penser.

Hasta Luego

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