Dans la campagne cubaine, aux sources du cigare

A Vinales, dans l’ouest de Cuba, la campagne se feuillette comme un livre d’enfants, livre d’images illustrant les cultures à l’ancienne, boeufs, chevaux, charrues et charrois, labours et semis, champs de tabac ou de manioc, fiers guajiros, les paysans d’ici, durs au travail de la terre, qui pompent sur leur cigare en toutes circonstances.

Nous testons différentes méthodes d’exploration, à cheval, à bicyclette, à pied, mais aussi en carriole et camion de terre…

A chaque rencontre nous engageons la conversation. Les cubains adorent échanger, très vite ils s’enflamment, vous tapotent l’épaule, puis le dos,  bref ils ont le contact facile. C’est aussi très utile, car pour nous qui sortons des sentiers battus, il n’y a ni panneaux, ni balisage, ni rien, nada de nada. On navigue donc au smartphone avec une appli super, maps.me, ainsi qu’avec les informations glanées auprès des locaux.

Au fond d’une vallée perdue, avant d’engager la traversée de vingt-cinq kilomètres d’une forêt déserte, un paysan nous prévient qu’il y aura une rivière à traverser à gué en portant nos vélos, avec de l’eau jusqu’à la ceinture. Et le capitaine nous dit d’avancer… Cette information se révèle parfaitement exacte. Dommage qu’un pneu crève juste après le gué, car dix kilomètres de piste sur la jante c’est éprouvant.

La campagne est riche, les commerces sont vides. On est beaucoup plus sur d’y trouver une vieille affiche de Fidel ou du Che qu’une bouteille d’eau. C’est ubuesque. Pourquoi des gens tiennent-ils à longueur de journée des commerces où il n’y a rien à vendre? Quel en est le business plan? Surveiller les allées et venues de la population?

Et pourquoi telle boulangerie, j’utilise le mot pour simplifier, ne vend-elle qu’aux cubains, quand telle autre accepte, non sans difficulté de nous céder quelques bouts de simili pain? Pourquoi les gens doivent-ils se pousser du coude pour des oranges et des radis noirs, dans cette terre où tout pousse facilement?

A Vinales se présentent quelques éléments de réponse. Dans la pseudo-librairie aux rayons aussi étiques qu’étatiques, on repère ce titre remarquable « La pensée économique d’Hugo Chavez », seul de la section économie. On sait la réussite de cette pensée, qui a conduit en peu d’années le pays le plus riche d’Amérique Latine à la famine. Le livre s’avachit sur son étagère, on hésite à l’acquérir pour l’offrir à Jean-Luc Mélenchon.

Sur la petite place centrale, samedi soir, se tient un meeting politique. C’est un appel à voter oui lors du tout prochain de référendum sur la modification de la constitution cubaine. Depuis notre arrivée à Cuba, nous voyons partout des appels à voter oui, selon le voeu du pouvoir, mais encore aucun appel à voter non. Le meeting est parfaitement réglé. Des chants patriotiques invitent à s’y rendre. 

Cinquante obligés du pouvoir finissent par prendre place devant la tribune. Après une longue attente, un barde cubain, poète officiel et digne descendant d’Assurancetourix, guitare en main, nous scande une chanson édifiante. Le speaker cite alors les nombreux noms des caciques soutenant le meeting. Pour chacun d’eux, le maigre public fait la claque d’un seul bloc, selon un code figé, clac…. clac, clac, clac. Les chants patriotiques reprennent, et alors nous partons, on n’en peut plus.

De retour au gîte je demande à notre hôte s’il est possible de voter non. Il m’examine comme un extraterrestre. Dans un pays où le prix du tabac est fixé pour chaque parcelle par le gouvernement, et où chaque quartier est contrôlé par un comité de surveillance, il y a des erreurs à ne pas commettre.

« Des guajiros nous sommes prêts à endurer le joug,

Ruminent les boeufs attelés dans leur dur labour,

Tant que ces paysans, cultivant manioc et tabac,

Grace au cigare, accomplissent sans peine ce travail très lourd

Et que de la révolution, à leur tour, ils supportent le joug.

Et si l’on nous consultait nous aussi, les boeufs de Cuba

Tous ensemble, nous braierions « yo voto si», pour rester bien en cour. »

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Marc

… en fait, comme si les américains de la côte Est étaient confondus avec les buffalos texans trumpistes.

Marc

Sombre tableau, hombre. Qui présuppose que tous les cubains sont semblables à ces paysans que vous avez croisés, incultes et résignés…

Marie-Pierre Etienne

Merci merci pour ces photos et votre récit; j’ai l’impression de ressentir ce que vous y avez vécu 🙂 c’est vraiment très chouette!Bises

Jean

Je crois que le boulanger s’en bat totalement de ne pas vendre de pain : il est fonctionnaire et (très mal) payé au mois !!

Jean

Bravo pour votre courageux périple à vélo. Ils louent donc des vélo maintenant à Cuba !

Jean

Sinon je vois que Catherine s’essaie avec style à l’équitation et que Philippe a fière allure en Guajiro fumeur de havane !

Bernard

la contribution au réchauffement climatique se limite donc aux pets des boeufs et aux fumées de cigare de l agriculteur Cubain

Sylvie

Y el pueblo, unido…vieux rêve ?

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