De Banyuls à Llivia, étape 3, dans la mémoire blessée de la Catalogne

Encore en Catalogne française, nous avons bivouaqué parmi nos amis les chênes-lièges, des arbres bien complaisants qui se laissent tondre sans une plainte.

Aujourd’hui nous avons un sérieux challenge de randonneur, car nous devons switcher du GR10 français vers le GR11 espagnol, que nous suivrons ensuite pendant une bonne semaine. Or nous avons lu peu de choses à ce sujet, et nos cartes sont confuses sur la liaison, possible ou non, entre ces deux itinéraires. On va encore se planter c’est sur!

Cap à l’ouest vers le coll del Priorat sur la frontière.

Il nous faut  trouver rapidement de l’eau car nous n’en n’avons plus, il fait chaud, et le jus de chêne-liège est difficile à extraire. Au coll del Priorat, petite déception car le point d’eau indiqué sur la carte n’est qu’une citerne incendie, cadenassée. Notre soif augmente de deux crans. Par chance, un chemin carrossable, non marqué sur la carte, mène droit dans le sud, donc vers le GR11 qui ne se trouve pas très loin.  Nous faisons le pari, on y va. Mais courbe après courbe le chemin incline à l’est, un brin au début, et de plus en plus après … il se moque de nous ce chemin! On va rater le GR11 ! On continue pour ne pas renoncer. Horreur, la Jonquera se profile, autoroute, viaduc, … La Jonquera c’est la version autoroutière du Perthus, maxi +, donc alcools, vins, tabac, et prostituées pour camionneurs, so long is the road, so alone is the van guy, et les chauffeurs de machin-bidules s’ennuient.

Deux mil tour donc, on remonte pendant 1h35 ce que l’on a descendu pendant 1h25 depuis le coll del Priorat. La citerne est toujours là. Bien que s’étant déplacée de trois heures sur sa ligne d’univers, elle reste indifférente à notre soif, toujours fermée.

Cap à l’ouest, carte en main, GPS activé. Nous traversons une agréable zone de moyenne montagne.

Un étonnant et très officiel panneau « Attention naturistes », avec mention de tous les arrêtés préfectoraux afférents, nous signale l’arrivée sur un ancien mas. Ils ne mordent quand même pas les vêtus! N(o)us sommes encore côté français, sous la frontière. Il n’y a pas de ferme sans eau, foi de randonneur. En effet un robinet s’accroche à un beau mur de pierres pourtant sèches.

Ouf ! De glouglous en glouglous nous compensons le déficit accumulé depuis hier. Pas de naturistes en vue. Cela a l’air d’être le fond de commerce de la ferme. Il doit aussi y avoir des subventions européennes pour jardiner comme Adam.

Un chemin légèrement teinté de sud nous emmène vers le col de Manrella, on devrait cette fois-ci trouver notre liaison vers le GR11. Lorsque nous sortons du bois, à la frontière, surprise ! On y découvre un large espace planté d’un monument très monumental pour l’endroit, et une route quasi nationale qui descend vers le sud. Strange, alors que côté français ce sont des pistes à peine carrossables, côté espagnol, en réalité catalan, on ne sait plus, c’est une superbe route, ligne jaune, panneaux de signalisation, but absolutely no cars.

Le monument est très émouvant, à la mémoire des exilés catalans à l’issue de la guerre civile, particulièrement du Président du parlement de la Catalogne, Lluis Companys. Réfugié en France, puis livré aux franquistes par la Gestapo, il fut exécuté à Montjuic. Il est devenu le héros national de la Catalogne. Comment s’étonner que les catalans aient de profonds ressentiments, et alors qu’aucun regret n’a jamais été exprimé par Madrid? Tout cela semble à fleur de peau, à peine recouvert d’une  mince pellicule de temps.

La très belle route est là uniquement pour permettre l’accès au monument! Nous l’empruntons, inutile de tenter le stop, il faudrait pour cela, en plus, des voitures.

La Vajol, nous sommes ce soir en Catalogne espagnole (?), sur le tracé du GR11, la senda once. Nous y trouvons une hôtesse sympa, très bavarde. Elle a la voix perçante d’Olive, la compagne de Popeye, la conversation est amusante. Au centre de ce superbe village catalan, le patron de l’auberge, la Casa Comaulis, nous y sert des plats aussi ricos que tipicos. Après deux soirées en bivouac on se laisse faire, Catherine commande une salade catalane en fait très charcutière, l’espagnol nous revient doucement.

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BERNARDOT

Formidable, Philippe, ton texte plein d’humour et de détails (on s’y croirait sur ce chemin!) et d’infos intéressantes sur l’histoire de la Catalogne (ça tombe bien!)

décidément la marche est un cheminement physique et mental vraiment salutaire ; ça donne trop envie de repartir sur les chemins
bises

Chantal Balkowski

Bonjour Philippe Quel Plaisir de se promener dans ton site de Lanzarotte au cap vert et bien sûr au Chili et te voilà maintenant en Espagne/Catalogne! Que de bons souvenirs du DU. Mathieu Puech a repris brillamment le flambeau et voilà le DU avec 95 inscrits dont la moitié en vidéo! L’observatoire a aussi créé des MOOC. Je suis émérite maintenant, j’ai donc toujours un bureau à l’observatoire mais je me promène plutôt du côté de Tréguier, je continue yoga, peinture, gravure et cours à l’école du Louvre, en art contemporain. Si tes chemins te mènent vers Tréguier, fais nous… Lire la suite »

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